BRAME 2025 3. Mistigris, le grand timide

A Dyrehaven, les animaux ne sont pas persécutés et sont tolérants à la présence humaine   ©Djepi

Photos et texte : Djépi

Des animaux peu farouches

Ce qui est incroyable à Dyrehaven, c’est le manque de crainte des animaux envers l’homme. Le secret est tout simple : ils ne sont pas persécutés et on évalue le nombre de visiteurs du vaste parc à 3 millions par an. De quoi s’habituer depuis les premiers jours de vie à la présence humaine, à ses cris, à ses odeurs.

Les cerfs sikas vous marchent sur les pieds sans vous adresser la parole   ©Djepi
 
Les cerfs sikas vous marchent sur les pieds sans vous adresser la parole. Les corneilles mantelées mènent tranquillement leur business à 3 mètres de vous. Ces vieux malins de corbeaux sont à la fois curieux et prudents. Le renard vous octroie à peine un regard quand vous le suivez dans sa quête matinale de rongeurs. Les daims sont un peu plus farouches, variant du prudent à l’inapprochable.

Le renard vous octroie à peine un regard   ©Djepi

Les cerfs sont généralement très tolérants. Les biches qui vivent dans les endroits les plus fréquentés par les promeneurs ont une distance de fuite d’une dizaine de mètres. Et elles ne partent pas bien loin. On doit parfois se reculer pour laisser passer une troupe qui traverse le chemin… surtout quand elle est escortée par un chevalier bien armé. 

Mais certains animaux passent leur vie dans des zones plus écartées, et ne voient que très peu de visiteurs. Sans être réellement farouches, ceux-là sont nettement plus timides et il faut les approcher avec précaution.

 Laisser passer une troupe qui traverse le chemin   ©Djepi

👀

A l'écart des sentiers principaux

Mistigris est un très gros cerf à la ramure surréaliste. Epaisse, évasée, on dirait qu’elle explose tant ses épois filent dans tous les sens. 

Je ne l’ai découvert que le 24 septembre 2024, alors que c’était déjà un cerf mature que j’aurais dû croiser les années précédentes. Mais il occupait une place discrète, à l’écart des sentiers principaux, et je ne l’avais jamais visitée. En entendant un gros raire venant de par-delà la crête, et voyant sur la carte que là se trouvait une clairière, mon attention fut attirée. Il y avait du brouillard, il pleuvait. C’est enveloppée d’un voile de grisaille que j’ai découvert l’incroyable silhouette de celui que j’allais dénommer Mistigris.

La ramure surréaliste de Mistigris dans le brouillard   ©Djepi

Autour du grand cerf échevelé, une belle troupe de biches. Etonnant qu’il garde un tel harem, à un jet de pierre seulement des places principales, écumées par des leaders agressifs. Est-il plus redoutable que son allure paisible ne le fait supposer, ou a-t-il simplement de la chance ? 

Quoi qu’il en soit, quand je passe à nouveau mon nez au bord de la clairière, le lendemain, elle est vide. Je prends un peu de temps pour bien regarder, et j’entends une sorte de ronflement un peu plus loin, en lisière. M’avançant en douceur, je trouve Mistigris couché, l’air bien désolé de se retrouver seul. 

De toute évidence, il n’a pas dû souvent rencontrer d’homme là où je me trouve : il se relève et s’écarte avec un air indigné de mon indiscrétion. Était-il seul pour un instant seulement, ou son brame était-il terminé ? Je ne le reverrai en tous cas plus cette année-là.

Mistigris, l’air bien désolé de se retrouver seul   ©Djepi

👀

Fidèle à sa place de brame

En 2025, dès le 18 septembre au matin, je décide d’aller jeter un œil prudent sur la place de mon ami Mistigris. Pas besoin d’arriver jusque-là pour savoir qu’un cerf l’occupe : je l’entends. C’est bien Mistigris, impossible de le confondre, et il est à nouveau hardé, fidèle à sa place de brame. 

En roulant des épaules comme un vieux cerf, il fait un peu de show autour de ses biches. Les herbes de la clairière sont hautes, je dois me dresser pour mieux voir et j’ai beau le faire derrière un gros tronc, les animaux me repèrent et, agacès, regagnent lentement le couvert de la remise.

 Mistigris à nouveau hardé, fidèle à sa place de brame   ©Djepi

J’aime bien Mistigris et son incroyable ramure, je retourne donc sur place le lendemain, aux mêmes heures. Les bêtes sont au poste. Mais le soleil est déjà vif et au bout de 5 minutes seulement, Mistigris quitte les femelles et se dirige nonchalamment vers le couvert. Elles le suivent peu à peu. Je me replie discrètement, incognito.

Le 21, la clairière est vide, pas de Mistigris ni de biches. Le 22, je repère une bichette traversant le sous-bois. Sachant qu’elle ne peut pas être seule et devinant vers où elle se dirige, nous reprenons les vélos pour tomber nez à nez avec le cerf et ses dames. Mais des cyclotouristes arrivent en face, c’en est trop pour ces émotifs qui prennent la poudre d’escampette dans le petit bosquet qui borde le chemin. 

Alternant coup de pédale et coup d’œil, j’essaie de les retrouver, en vain. Incroyable qu’un cerf de plus de 200 kilos et une douzaine de non-boisés parviennent à se dématérialiser ainsi en quelques secondes ! Et pas question de partir les chercher à travers tout : il est interdit de s’écarter des chemins en période de brame. C’est leur tranquillité qui nous fait profiter de la familiarité des animaux.

J’aime bien Mistigris et son incroyable ramure   ©Djepi

Ce fut ma dernière rencontre 2025 avec Mistigris, le plus grand timide des cerfs de Dyrehaven.

👀

BRAME 2025

1. A Star is born : l'incroyable performance de Tyson

2. Galaxy, le cerf blanc qui vaut de l'or : les difficultés de la vedette locale

3. Mistigris, le grand timide : l'histoire d'un cerf qui préfère la discrétion

4. Les ambitions de Gauguin : un second rôle prend sa revanche

5. La mort d'un cerf : la fin tragique d'un grand coiffé

Les autres articles sur les cerfs et le brame sont ICI

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

BRAME 2024 4. UN COLOSSE DE CARTON ?

BRAME 2024 5. POUR VIVRE HEUREUX, VIVONS CACHES

Le bec de la spatule blanche