SURPRISES D’ENVERGURE 1. L’IMPÉRIAL OISEAU
8h, le jour s’éclaire progressivement. Un peu partout autour de nous, les staccatos de cris secs des perdrix rouges qui accueillent le soleil, perchées bien en vue. Peut-être savent-elles que le lynx pardelle que nous attendons n’est pas ici aujourd’hui ?
Un peu partout autour de nous, des perdrix rouges, perchées bien en vue © Djépi |
Une croix noire surgit par-dessus la crête : un rapace. La très grande taille me fait d’abord penser à l’aigle royal, observé la veille à quelques kilomètres de là.
L’aigle royal, observé la veille © Nad |
Mais les ailes sont comme plus rigides, et portées plus bas. Une frange blanche qui s’étend de l’épaule au poignet identifie l’oiseau : l’aigle ibérique, cousin germain de l’aigle impérial. Je parviens à le saisir dans la longue-vue et j’appelle mes deux complices pour qu’elles partagent ma joie.
Une frange blanche de l’épaule au poignet identifie l’oiseau : l’aigle ibérique © Djépi |
Lentement, l’aigle prend de la hauteur. La croix noire s’amenuise, jusqu’à disparaître. Un observateur voisin nous informe que le lynx a profité de ces quelques minutes d’attention détournée pour passer subrepticement sur la piste, dans notre dos, à 30 mètres. Pourquoi n’a-t-on des yeux que d’un côté de la tête… ?
Deux jours plus tard, même endroit, même horaire, et un lynx toujours désespérément discret. Sur le versant d’en face, deux bouquetins ibériques broutent tranquillement les fenouils et captent les rayons matinaux. Machinalement, je fouille aux jumelles le fond de vallée, pour voir si biches et cerfs sont encore en pâture.
Je fouille aux jumelles pour voir si biches et cerfs sont encore en pâture © Djépi |
Mes objectifs captent un très grand oiseau sombre aux ailes ourlées de blanc, en vol bas. L’aigle ibérique transporte une proie volumineuse dans ses serres. Il se rapproche en ligne droite d’un vieil eucalyptus et se branche sans hésitation. Il se met illico à dépecer sa proie. Je braque la longue-vue, zoom au maximum. Je crois voir de grandes plumes noires s’agiter sous les coups de bec. Aurait-il capturé un corbeau ou un crave ?
Une vieille montagne granitique où abondent perdrix rouges, lapins et lièvres © Nad |
Soudain, un second oiseau surgit des frondaisons à sa gauche. Les deux géants se saluent à peine. Le nouvel arrivant continue son repas alors que l’autre se lance en vol et disparaît rapidement à ma vue. Un couple donc; cela confirme les dires d’un compatriote ornitho qui avait observé deux exemplaires planant de conserve, quelques jours plus tôt.
Le second oiseau revient rapidement et, sans cérémonie, plonge dans les profondeurs de l’arbre. Le scénario me semble clair : les aigles ont construit leur aire dans le grand eucalyptus bordant une piste solitaire, au cœur d’un vaste domaine privé. En cette seconde moitié d’avril, la femelle couve ses œufs, et le mâle la ravitaille.
L’aigle ibérique prend son envol © Djépi |
Dans cette vieille montagne granitique où perdrix rouges, lapins et lièvres sont nombreux, l’impérial oiseau s’est installé dans les vallées, en laissant à l’aigle royal les zones plus élevées.
Oubliant sur la branche les restes de son repas, l’aigle ibérique prend son envol, gagne rapidement de la hauteur et se fond dans le ciel.
Avec plus de 500 couples aujourd’hui, l’aigle ibérique, qui faillit disparaître au 20è siècle, reste une espèce très rare. Mais c’est, avec le lynx pardelle et l’ours brun, un des grands succès de la conservation de la nature en Espagne.
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