CRISE DU LOGEMENT 1. CONCURRENCE CHEZ LA GITANE

 

L’élégante gitane   © Djépi

Photos : Nad, Djépi 
Texte : Djépi

Avril 2024, Parc national de Monfragüe, Espagne

Un séjour ornitho au parc national de Monfragüe, en Estrémadure, passe obligatoirement par la visite d’une série d’observatoires classiques, dûment signalés et équipés. Mieux vaut arriver tôt au plus célèbre d’entre eux, le Salto del Gitano, au bord du Tage, si l’on veut trouver une place pour sa voiture et pour sa longue-vue. Et mieux vaut être polyglotte pour discuter avec les voisins ! 

Mieux vaut arriver tôt au Salto del Gitano   © Nad

Je me souviens de mes visites magiques, il y a 30 ans, seul parmi les grands planeurs… mais des planeurs largement moins nombreux qu’aujourd’hui.

La sarabande des vautours fauves est incessante   © Djépi

Nous nous sommes arrêtés un peu plus haut, sur le Rio Tietar. La sarabande des vautours fauves et moines est incessante, et le passage d’un aigle ibérique a suscité beaucoup d’émoi dans le petit groupe d’aficionados. 

Sur le bord droit de la falaise proche, à mi-hauteur, dans l’ombre épaisse dessinée par le soleil matinal, je détecte du mouvement. Une cigogne noire est debout sur un tas de branchages qui ressemble fort à un nid.

Une cigogne arrive en volant, porteuse d’une branche   © Djépi

Une seconde cigogne arrive en volant, porteuse d’une branche. Ce doit être le mâle. Se posant près de sa compagne, il dépose sa charge et procède à une brève parade en étalant la queue pour bien faire voir le contraste de ses sous-caudales blanches. Convaincue, la femelle récupère la branche et la place sur le nid. 

Après un bref conciliabule, le mâle se remet en vol. Il ne va pas loin, se posant dans une zone herbeuse entourée de chênes verts qu’il parcourt à grands pas. Il a tôt fait de trouver une nouvelle branche, et refait une navette pour la livrer au nid.

Le mâle procède à une brève parade   © Djépi

Le scénario se produit plusieurs fois, puis le couple quitte la falaise, sans doute pour aller se nourrir à proximité. Nous sommes heureux et surpris de cette belle observation. 

Heureux, évidemment, de pouvoir observer dans de si bonnes conditions l’élégante gitane, avec les reflets mordorés de son somptueux plumage. Heureux d’admirer avec quel brio elle prend l’air, s’élevant avec légèreté dans les ascendances, en faisant pâlir d’envie les lourds vautours. 4

Mais surpris aussi, parce que ces oiseaux sont fort en retard sur le calendrier de nidification. Chez les trois couples du Salto del Gitano, on en est déjà aux éclosions !

Heureux d’admirer avec quel brio elle prend l’air   © Djépi

Revenant le lendemain sur les lieux, nous voyons avec plaisir les travaux d’emménagement progresser. Plus assidu que jamais, le mâle fait des va-et-vient en transportant des matériaux que la femelle dispose sur le nid.
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Deux jours plus tard, nouvelle visite. Peut-être trouverons-nous cette fois une cigogne en couvaison ? Au contraire, c’est la douche froide : un couple de vautours fauves occupe l’emplacement !

Un couple de vautours fauves occupe l’emplacement   © Djépi

Incapables de chasser les encombrants squatters, les cigognes noires cerclent avec insistance au-dessus de la falaise, avant de jeter leur dévolu sur une ébauche de plateforme installée un peu plus loin, près du fleuve. Alors que la femelle stationne à côté de l’ouvrage, le mâle se met illico à chercher à nouveau des branches mortes, et à les lui apporter. Chaque fois, c’est le même protocole d’accueil, avec les sous-caudales blanches étalées. 

Le protocole d’accueil, avec les sous-caudales blanches étalées   © Djépi

Je suis inquiet de cette nouvelle tentative du couple, car le site est nettement plus exposé aux pirates à poils et à plumes que celui de la falaise… Je me dis que leur chance de nicher cette année est fort compromise.

Un oiseau, sans doute le mâle, transporte des branchages   © Djépi

Chez les vautours, un oiseau, sans doute le mâle, transporte des branchages, parfois encore verts, alors que l’autre, restant au nid, le complète distraitement. Comment ces lourdauds pensent-ils à démarrer maintenant une nidification alors que chez leurs semblables, le poussin est déjà de belle taille ? Sans doute un couple jeune ou de bas statut hiérarchique qui n’a pas pu trouver de place autre part sur les parois-HLM bondées du parc.

Ils devront attendre la saison prochaine pour jouer à papa-maman  © Djépi

Pressentiment ? Avant de quitter Monfragüe, nous repassons par la falaise du rio Tietar… c’est à nouveau une cigogne noire qui occupe le nid ! Et elle est visiblement bien décidée à ne plus céder sa place. 
Quant aux folâtres vautours fauves, ils sont quelques mètres plus bas, occupés à restaurer négligemment un autre nid. Ils devront vraiment attendre la saison prochaine pour jouer à papa-maman !

Elle est visiblement bien décidée à ne plus céder sa place   © Djépi

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A Monfragüe, la crise du logement est sensible. 

L’augmentation importante de la population de vautours fauves crée une haute concurrence pour les emplacements favorables sur les falaises. A tel point que des casse-cou de la SEO (Société Espagnole d’Ornithologie) sont obligés de descendre en rappel poser des protections sur les nids des cigognes noires, pour empêcher les vautours fauves, nicheurs très hâtifs, de les occuper. Et ils doivent bien entendu descendre les enlever quand les gitanes reviennent de migration… Ce n'est pas une mince affaire !

Protéger les nids de cigognes noires est une entreprise de casse-cou...   © Djépi

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