Le BRAME, HEURE par HEURE, JOUR par JOUR /1

Dyrehaven, Danemark : le paradis des cerfs  ©Djepi

Le brame sur la place centrale

Nous sommes à Dyrehaven, au nord de Copenhague, 11 km² d’un milieu diversifié accueillant 300 cerfs et biches, géré pour eux et où ils ne connaissent plus de persécution depuis 250 ans (ils sont chassés à l'approche-affût afin de contrôler la population). Les animaux sont très tolérants à la présence humaine.

(Pour en savoir plus sur Dyrehaven, voyez ici)

La place de brame centrale est une vaste prairie d’une dizaine d’hectares, étalée en longueur, piquetée d’arbres séculaires, ondulée de tumuli funéraires et ourlée de bosquets. D’autres places fort bien fréquentées l’entourent, mais elle est la plus convoitée et la plus animée.

La place de brame centrale à l'aube  ©Djepi

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Quand nous l’atteignons, le 21 septembre en milieu de journée, des brames fusent de toute part. Un grand cerf circule parmi les quatre-vingts non-boisés qui se sont réfugiés sous les arbres pour se protéger du soleil vif.  

Gauguin ne dissimule pas ses intentions   ©Djepi

Il est tonitruant, poursuit les femelles et parvient même à saillir l’une d’entre elles. C’est Gauguin, un animal de belle prestance que je connais depuis l’année précédente. Il affiche 22 cors. Je l’avais rencontré l’an passé, fatigué et solitaire en fin de brame, sur la place n°3.

Aux alentours, d’autres silhouettes couronnées circulent sous le couvert en donnant de la voix. Un gros 20 cors sort soudain pour donner la chasse à un adolescent trop curieux.

Sleepy expulse un ado trop curieux   ©Djepi

Je le reconnais : c’est Sleepy, un cerf puissant mais au caractère plutôt paisible que je n’attendais pas sur cette place très bagarrée. Après avoir facilement éconduit le jeune impertinent, Sleepy regagne l’ombre protectrice des arbres.

Quand nous repassons sur la place en soirée, deux grands boisés s’engagent en marche parallèle, à proximité de la nombreuse troupe des biches inattentives. Sleepy affronte un nouveau venu que je ne connaissais pas encore. 

Sleepy (à droite) et Bobo en marche parallèle  ©Djepi

Hargneux et possédant une lourde ramure à 24 cors, celui-ci le repousse sans combattre. Cette fois du moins, car j’observe rapidement que son flanc gauche porte une longue balafre ponctuée d’un peu de sang caillé, là où un andouiller a percé la peau. Je le baptise ainsi du nom de Bobo.

Bobo porte une blessure superficielle à l'épaule gauche   ©Djepi

Satisfait d’avoir écarté la concurrence, Bobo s’empresse d’aller courtiser les biches. Mais il n’est pas seul sur le coup. A quelques minutes d’intervalle, deux autres cadors viennent s’y intéresser...

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L'ultra-dominant Spat entend récupérer son trône   ©Djepi

Spat est le premier à émerger. C’est un ultra-dominant mature qui avait régné sur cette place l’année précédente, et qui semble bien vouloir récupérer son trône. Ses bois massifs affichent 22 cors, dont plusieurs émoussés en forme de spatule lui valent son nom. 

Contrôlant mal son agressivité débordante et alors que Bobo s’écarte prudemment, Spat charge tête basse au milieu des pauvres biches éperdues… C’est le tollé et, son effet manqué, le gros cerf se replie rageusement sous le couvert.

Débordant d'agressivité, Spat charge les biches   ©Djepi

Quelques instants plus tard, Gauguin se lance à la poursuite d’un imprudent 12 cors. Il revient en bramant et reprend calmement le contrôle de la harde.

Gauguin poursuit un jeune cerf en maraude   ©Djepi

La soirée est avancée, nous quittons les lieux en nous demandant lequel des 4 prétendants tirera les marrons du feu durant la nuit…

Gauguin a conservé le contrôle de la harde   ©Djepi

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Le matin suivant, 22 septembre, nous passons par la place n°2, qui n’accueillait la veille que l’énorme Okay, solitaire, et constatons qu’il est maintenant accompagné d’une quarantaine de non-boisés. Aurait-il fait son marché sur la place voisine ? Effectivement, sur la scène centrale, la troupe ne compte désormais plus qu’une quarantaine d’animaux, en lieu et place des quatre-vingts de la veille.

C’est Gauguin qui est à nouveau aux commandes, mais un terrible concurrent  vient le défier : Spat. 

Spat (derrière) et Gauguin s'expliquent bruyamment  ©Djepi

En faisant vibrer l’air de leurs rugissements, les deux grands cerfs se jaugent, s’insultent, puis entrent sous les branches où je vois les têtes se baisser, mais sans entendre le fracas d’un combat. Gauguin parvient à conserver ses prérogatives et, se pavanant parmi les belles, il réalise une nouvelle saillie.

Gauguin en "chandelle", le terme consacré pour la saillie chez le cerf   ©Djepi

Continuant notre tour, nous trouvons un peu plus loin Sleepy, accompagné d’une trentaine de biches sur une place secondaire plus calme, à quelques centaines de mètres du noyau chaud.

Sleepy, très bien entouré, s'est trouvé une place de brame plus calme   ©Djepi

En fin de matinée, c’est Bobo que nous observons, sortant de sa souille pour accompagner un joli harpail, très proche de celui de Sleepy (le même … ?). Sa petite blessure est déjà totalement refermée et elle ne l’empêche en tous cas pas de presser les biches de ses assiduités. 

Bobo à la souille   ©Djepi

Sans doute sera-t-il plus tard écarté, car nous ne le reverrons plus durant notre séjour à Dyrehaven.

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En soirée, nous revenons à la zone centrale. D’autres observateurs nous apprennent qu’il y a eu pas mal de mouvement et de frictions entre deux cerfs : Gauguin et Spat, probablement.

C’est Gauguin que nous trouvons d’abord en compagnie des biches, mais Spat ne tarde pas à se faire entendre et le manège d’intimidation entre les deux costauds recommence. Ils se connaissent sans doute trop bien pour se laisser entraîner sans préliminaires dans un combat à l’issue incertaine, et dangereux vu les armes en présence. 

Spat (à droite) et Gauguin se jaugent en marche parallèle   ©Djepi

A nouveau, Gauguin parvient à renvoyer Spat à ses appartements en sous-bois et à conserver le contrôle de la harde

Nous consacrons la journée suivante à un tourisme plus classique, et ne revenons sur la place centrale qu’au matin du 24 septembre, curieux de constater comment les dieux du brame auront tranché…

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Car ils ont tranché. Les deux mêmes protagonistes sont toujours en action, à grand renfort de cris, de provocations et menaces, mais les rôles se sont clairement inversés.

Spat (à droite) est enfin parvenu à écarter Gauguin du harem  ©Djepi

C’est désormais Spat qui contrôle la harde et Gauguin qui tente de la lui reprendre. Nul doute que la veille a vu éclater entre eux un affrontement musclé dont Spat est sorti victorieux.

Spat aux commandes. Remarquez la biche blanche : les animaux leuciques représentent environ 3% de la population locale  ©Djepi

En soirée, Gauguin, dégoûté, se contente de bramer à bonne distance de son vainqueur. Spat, quant à lui, fait le fier et savoure son trône retrouvé. Il est n°1 de la place n°1, comme l’année précédente.

Gauguin (à gauche) se contente désormais de bramer à distance   ©Djepi

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Dans la brume de l’aube du 25 septembre, rien ne semble avoir évolué. Spat clame sa flamme aux biches et, une fois le soleil victorieux, honore l’une d’elles de ses attentions très particulières.

Spat réussit une saillie   ©Djepi

En fin de matinée, une grosse algarade éclate. Gauguin – toujours lui – revient le défier. L’explication en sous-bois est orageuse et bruyante, mais Spat tient bon et conserve sa couronne. 

Spat sort vainqueur d'un nouvel affrontement avec Gauguin   ©Djepi

Très énervé, il fait le détour pour aller « régler le compte » de James, un cerf satellite qui l’agace et qui s'est trop approché. Je suis malencontreusement sur son chemin quand il vient parler à James et n’ai que le temps de m’écarter, sans trop penser à fixer le bref combat en photo…

Quand Spat est énervé, mieux vaut lui céder le passage...   ©Djepi

Ensuite, le roi profitera calmement d'un bain de boue avant de rejoindre ses admiratrices.

Spat au bain de boue   ©Djepi

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L’aube du 26 septembre sera la dernière pour nous, et elle marquera un tournant. Un photographe croisé sur le sentier nous a prévenus : les chasseurs sont passés très tôt et ont tiré un animal. 

Le passage des chasseurs à l'aube a vidé les places de brame   ©Djepi

Les places de brame, si animées jusqu’ici, sont vides et silencieuses. Nous entrevoyons Spat, avec quelques biches, « aux abris » sous les frondaisons d’un bosquet. 

La place centrale restera vacante jusqu’au soir, quand Flash, un outsider aux merrains plus épais que des manches de pioche, et qui a récupéré une moitié des biches d'Okay - lui aussi invisible ce soir-là - viendra se pavaner à proximité.

En l'absence de Spat, Flash se risque avec son harpail en lisière de la place centrale   ©Djepi

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La scène du brame est mouvante, indécise, haletante. Les grands boisés, bruyants et démonstratifs, récoltent tout notre intérêt. Mais en définitive, ce sont les biches qui décident. 

A côté des monarques flamboyants qui briguent les honneurs avec plus ou moins de succès, nombreux sont les seigneurs plus tranquilles et même les simples outsiders qui parviennent à assurer leur descendance : les études ont montré que 80% des faons ont des pères différents.

Spat, n°1 de la place n°1. Une débauche d'énergie vraiment payante ?   ©Djepi

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