Brame 2021 à Han. Episode 3/4 : amertumes, déceptions, surprises

Amertume, déceptions, surprises !

Voyez les articles précédents !

Episode 1/4 : lever de rideau

Episode 2/4 : le dernier combat

La plupart des cerfs adultes tentent leur chance durant la brève saison du rut (15 septembre-15 octobre). Ils ne disposent que de quelques jours, quelques semaines au plus, pour s’assurer une descendance. Quelques-uns récolteront les fruits de leurs efforts, mais beaucoup seront déçus.

14 cors de fort gabarit, JL est le maître de place depuis 2018. © Djepi

 

Cette année, le nombre restreint de biches et l’inébranlable domination de JL ont privé de tout espoir la plupart des autres cerfs du domaine de Han.

Déceptions et amertumes

Toujours optimiste et entreprenant, le léger Brisefer fut à nouveau victime de ses moyens limités. JL surtout, mais aussi un Papy très autoritaire, lui ont carrément barré tout accès aux biches. Solitaire et ne fréquentant jamais les autres mâles du clan, il est allé se réfugier sur les rives de la rivière pour ruminer son échec et soigner sa patte avant gauche éreintée par un rival. Il est encore jeune et l’inéluctable déclin de JL dans les années à venir lui entrouvrira peut-être une porte…

Malgré son caractère volontaire, Brisefer, desservi par sa ramure modeste, n'obtient pas de résultats au brame. © Djepi

 

Comme chaque année, Jeanma a perturbé la vie tranquille du clan des célibataires par ses accès de mauvaise humeur. Regardant ses acolytes d’un œil torve, il brame, laboure l’herbe de ses épois, se souille dans son urine, baisse une tête menaçante. Les autres l’ont regardé d’un air réprobateur et un brin incrédule : pourquoi tant d’agitation ? Jeanma n’a rien tenté de plus : pour lui, le brame se joue sur play-station.

Bien bâti et solidement boisé, Jeanma a le physique, mais pas le tempérament pour jouer un rôle durant le brame. © Djepi

 

Depuis la mi-septembre, Le Crabe n’était plus nulle part. Il avait déserté la prairie et le sous-bois appréciés des célibataires et je le soupçonnais de nous préparer un nouveau coup tordu pour les derniers temps du brame. Il m’avait déjà convaincu qu’il était un fin stratège, parfaitement capable de compenser par la ruse et l’audace la faiblesse de sa ramure.

En 2020, Le Crabe avait savamment manœuvré pour s'approprier quelques biches. © Djepi

 

Entendant son raire énorme sous les arbres du coteau, je me suis approché et l’aïeul est sorti à découvert devant moi, s’approchant tellement que j’ai préféré reculer. Peut-être reconnaissait-il un vieil ami … ? Sa faible ramure est devenue pathétique. Il ne porte désormais plus que 8 misérables cors : le Crabe ravale, un sort en définitive noble et réservé aux cerfs fort âgés. 

Pour lui, le dernier train du brame est bel et bien passé, mais il aura eu la chance de vivre sa vie jusqu’à la vieillesse, privilège hors d’atteinte dans les forêts chassées.

Vieux cerf robuste mais ravalant, Le Crabe n'a plus sa place au brame en 2021. © Djepi

 

Très actif au brame depuis 2018, Joli 14 me semblait promis à un bel avenir. Il avait tenu tout un temps la dragée haute à JL en 2020, et avait expulsé de de la scène Papy et Jeanma. Mais la saison 2021 ne lui a pas souri. Lointain, craintif, jamais au contact des biches, se faisant sèchement éconduire par le même Papy qu’il regardait de haut 12 mois plus tôt, il n’a été que l’ombre de lui-même. 

Dès le 25 septembre, il paraissait épuisé, affalé à l’écart dans la pâture et sans réaction aux provocations de ses pairs. Les rangers m’ont raconté qu’il avait engagé le combat avec JL dans le bas de la vallée et s’était fait expulser comme un bouchon de champagne. Heureusement, il n’a pas reçu de blessure et l’avenir lui reste grand ouvert, car il est entre seulement dans la force de l’âge.

Grand cerf élégant et bien coiffé, Joli14 fut fantomatique au brame 2021.© Djepi

 

Parmi les jeunots venant se donner des sensations, un joli daguet a joué les vedettes. Paisiblement installé avec les gamins de son âge à distance prudente de l’intransigeance des gros cerfs, il se levait chaque après-midi pour s’approcher des biches. Travaillé par sa testostérone ou simplement désireux de rejoindre sa mère… ?

Le premier obstacle à franchir était Papy qui, installé en lisière, montait la garde aux abords de la harde et gardait un œil sur les ambitieux malvenus. Voyant approcher le daguet, Papy se mettait au trot pour le repousser… vers JL. 

C’est alors le gros 14 cors que le maigre gamin devait affronter. Pourchassé par plus de 200 kilos de piquante colère jusqu’au fond de la vallée, il s’esquivait sans dégât grâce à son agilité et sa vitesse.  JL faisait alors souvent le détour pour rendre visite à sa souille préférée. Sur quoi le daguet, profitant de son inattention, tournait les talons pour venir importuner les biches. A son retour, le maître de place était bon pour une subite hausse de tension et une nouvelle charge renvoyant le daguet déluré… chez Papy !

Les adultes (ici, JL), n'ont aucune tolérance pour les jeunes mâles qui veulent s'approcher des biches. © Djepi

La surprise

Alors que je suis de retour sur le terrain le 19 octobre, c’est Phil qui contrôle les biches et repousse des concurrents paraissant plus solides que lui. Petit cerf faiblement coiffé mais autoritaire, Phil est un habitué de la 3^ème mi-temps… Je compte les non boisés qui l’entourent : 22 au total. C’est bien la harde qui fut gardée par JL et tant convoitée par Papy. 

Mais il y a un mais…

Comme en 2020, Phil est monté sur le terrain... après que le match soit fini ! © Djepi

Au bas de la vallée, pâture un groupe de 5 animaux : 2 biches, 2 bichettes et un faon. Ils sont de toute évidence soudés entre eux mais indépendants de la harde principale. Je n'ai jamais aperçu cette troupe durant le brame ! Où se cachaient ces biches ? Quels mâles les ont convoitées ? Je dois bien conclure que je n’en ai pas la moindre idée !

Le rôle des biches dans le déroulement du brame est loin d'être secondaire. Mais le comprendre exige de fines observations.  © Djepi

 

Actrices discrètes dans le show tonitruant du brame, ce sont les biches qui, en fin du compte, en tirent les ficelles. Parenté, amitié ou inimitié entre elles, dominance et rôle dans la harde, sont les éléments qui règlent leur existence et qui façonnent le spectacle...

Ne manquez pas l'épisode suivant : l'instant sublime