L’AIMANT LIQUIDE
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Quelques heures au bord de l’aimant liquide, une excellente manière de faire de belles observations © Djépi |
Photos : Isa, Djépi
Texte : Djépi
A cheval sur le tropique du Capricorne, le parc national Kruger en Afrique du Sud est soumis à un climat subtropical. Cela signifie une saison humide de 6 mois (novembre-avril) suivie par une saison sèche de même durée (mai-octobre). La température moyenne diurne est constamment élevée, aux alentours de 30°C, et durant la saison sèche, le déficit hydrique est très important. En d’autres termes, il fait vraiment… sec et les feux de brousse sont habituels.
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En saison sèche, les feux de brousse sont habituels © Djépi |
5 grandes rivières arrosent le parc (Crocodile, Sabie, Letaba, Olifants, Luvuvhu), ainsi que de nombreux cours d’eau secondaires, mais la situation n’est pas aussi idyllique qu’on pourrait l’imaginer. Ces rivières traversent, avant d’entrer dans le parc, de vastes surfaces de culture et sont bordées de villages. Le triste résultat est qu’elles sont saignées à blanc pour l’irrigation, et polluées par les rejets agricoles et domestiques.
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De nombreuses rivières arrosent le parc, mais la situation n’est pas aussi idyllique qu’on pourrait l’imaginer © Isa |
Or, l’eau est une nécessité vitale pour la grande faune du parc, et certaines espèces-phares sont incapables de s’en passer longtemps : gnou, cob à croissant, zèbre, buffle… En plus, il y a les espèces spécialistes des milieux aquatiques, comme l’hippopotame et le crocodile du Nil. Les gestionnaires du parc ont donc créé de très nombreuses réserves d’eau : petits barrages, mares, abreuvoirs approvisionnés par pompage éolien.
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Un Aigle ravisseur profite d'un abreuvoir © Djépi |
En saison sèche, la faune est attirée vers les points d’eau restant disponibles, pour s’abreuver ou se rafraîchir durant les chaleurs diurnes. Passer quelques heures au bord de l’aimant liquide est assurément une excellente manière de faire de très belles observations.
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Quoique pouvant s’en priver longtemps, les éléphants sont de grands amateurs d’eau. Les troupes de femelles et de jeunes, en particulier, séjournent souvent près des rivières ou des abreuvoirs, que ce soit pour étancher leur belle soif (120 litres d’un coup…), se refroidir ou simplement jouer à grands renforts de barrissements et de jaillissements.
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Jouer à grands renforts de barrissements et de jaillissements © Isa |
Intelligents, les éléphants adultes utilisent leur haute taille et leur trompe pour aller pomper directement l’eau claire à la source : dans les réservoirs qui alimentent les abreuvoirs.
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L’eau claire à la source : dans les réservoirs qui alimentent les abreuvoirs ! © Djépi |
Les girafes sont capables de se passer de boire et de vivre dans des environnements désertiques, se contentant de l’humidité des feuillages qu’elles broutent. Mais quand l’or bleu est disponible, elles en profitent pour ingurgiter 40 litres d’une traite. Du fait de leurs immenses pattes et de la flexibilité limitée de leur cou, étancher leur soif n’est pas simple et elles doivent adopter une position qui les rend très vulnérables si des lions rôdent à proximité.
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Les girafes doivent adopter pour boire une position qui les rend vulnérables © Isa |
Elles sont donc très circonspectes et surveillent longuement les alentours avant de s’y mettre. Un grand mâle adulte nous a observés durant un long moment avant de boire, et ses compagnons plus jeunes n’ont jamais eu l’audace de l’imiter.
L’humidité, c’est aussi la boue qui fait une excellente
crème solaire et un parfait onguent contre les parasites cutanés.
Les buffles sont parmi les accros. Les plus vieux mâles,
paisibles et ne connaissant virtuellement pas de prédateur (800 kg de muscles
et de cornes, ça fait réfléchir plus d’un lion), se prélassent si longtemps
dans les flaques boueuses que les péluses (grosses tortues aquatiques) les
prennent pour des rochers et s’installent sur leur dos ! Les pique-bœufs
profitent de leur sieste pour débusquer les parasites fuyant la noyade
et s’en nourrir.
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Les buffles sont parmi les accros de l'eau et de la boue © Djépi |
Les gnous ne s’éloignent jamais beaucoup de l’élément liquide et en ont un besoin impératif. Ils aiment aussi se rouler dans la boue. Nous avons assisté à de jolies scènes avec une troupe de jeunes mâles célibataires venus s’ébattre et se détendre au bord d’une mare... tant que le lion n'y est pas !
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Se détendre au bord d’une mare, tant que le lion n'y est pas ! © Djépi |
Bien entendu, il ne faut pas oublier les ineffables phacochères… Le cochon de la savane africaine est un aficionado de la boue et il n’est jamais aussi heureux que quand il en est couvert.
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Jamais aussi heureux que dans la boue © Isa |
Du gros mâle solitaire aux turbulents gamins joueurs, tout le monde adore ça et profite de la moindre flaque.
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Des ados jouent après le bain © Isa |
Le crocodile du Nil, très abondant au parc Kruger (4.500 individus), est présent sur toutes les berges des rivières et retenues d’eau permanentes. Nous en avons plusieurs fois compté 20 ou 40 lors d’un coup de jumelles circulaire.
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Le crocodile du Nil est présent sur toutes les rivières et retenues d’eau permanentes © Djépi |
Bien visible et lourdaud sur le sol, le gros reptile (il atteint 750 kg et 5 m de long) semble se dissoudre lorsqu’il glisse dans l’eau sans bruit, sans remous. Quelques mètres plus loin, c’est un tronc d’arbre bien inoffensif qui vient interrompre le miroir liquide…
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Un tronc d’arbre bien inoffensif vient interrompre le miroir liquide © Djépi |
L’hippopotame est l’autre grand spécialiste des rivières et trous d’eau. Tout ce que l’on voit de lui, la plupart du temps, c’est un museau rond, des yeux proéminents… et fermés car la sieste est ce qu’il fait le mieux. Le photographe guette longtemps le « beau » bâillement qui laisse apparaître les impressionnantes défenses, mais évidemment, c’est toujours celui qu’on ne surveille pas qui bâille !
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Le photographe guette longtemps le « beau » bâillement © Djépi |
Régulièrement, le balourd (1,5 tonne) se hisse sur la berge pour un bon bain de soleil. C’est aussi là qu’il va brouter la nuit, à l’abri des regards, et parfois fort loin de l’eau. Les bébés, véritables modèles réduits, ne quittent pas d’un pouce l’ombrageuse protection de leur mère.
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Les bébés ne quittent pas d’un pouce la protection de leur mère © Djépi |
Les autres habitués des points d’eau sont les oiseaux. Certaines espèces viennent seulement y boire mais d’autres en font leur milieu de vie principal. C’est le cas de l’abondante Ombrette, qui, avec son uniforme brun n’est pas des plus glamours…
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L'Ombrette n’est pas des plus glamours… © Djépi |
Dans la famille des cigognes, on observe notamment le Tantale ibis qui pêche à la manière d’une spatule en promenant de gauche à droite son bec dans l’eau, et le splendide et peu fréquent Jabiru.
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Le Tantale ibis pêche à la manière d’une spatule © Djépi |
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Le splendide Jabiru n'est pas très fréquent © Djépi |
L’immense Marabout aime aussi avoir les pattes mouillées même s’il se nourrit le plus souvent au sol, de charognes.
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L’immense Marabout aime avoir les pattes mouillées © Djépi |
Du côté des hérons, aux côtés de « notre » Héron cendré, on voit souvent le petit Héron strié, pas farouche pour un sou, et plus rarement le géant de la famille, le Héron Goliath.
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Le petit Héron strié © Djépi |
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Le Héron goliath, le géant de la famille © Djépi |
Pas beaucoup de canards en Afrique, le plus emblématique est le Dendrocygne veuf qui est bien présent sur les eaux de Kruger.
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Le Dendrocygne veuf mâle © Djépi |
Le Râle à bec jaune a la délicate attention d’arborer les couleurs noir-jaune-rouge de notre drapeau national. Il aime vivre caché mais sort régulièrement de la végétation pour rechercher sa nourriture d’un air affairé.
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Le Râle à bec jaune sort de la végétation pour rechercher sa nourriture © Djépi |
Le Jacana à poitrine dorée est le digne descendant de Moïse : ses immenses doigts lui permettent de marcher sur l’eau… ou du moins sur la végétation flottante.
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Les immenses doigts du Jacana à poitrine dorée lui permettent de marcher sur la végétation flottante © Djépi |
Et puis, il y a les martins pêcheurs… mais cela, c’est pour une autre histoire !
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