Les MARTINS POSEURS
Quoiqu'il n'ait guère de huppe, les taxinomistes l'ont appelé Martin-pêcheur huppé © Djépi |
Photos : Nad, Djépi
Texte : Djépi
La piste descend brusquement et les talus de part et d’autre s’ouvrent sur une belle rivière. Nous traversons à gué. Sur les berges, de gros crocodiles grillent au soleil. Un splendide vanneau armé se promène et des libellules fusent de toutes parts. Je suis surpris de reconnaître le Crocothémis écarlate, espèce que le réchauffement climatique rend de plus en plus fréquente chez nous.
Je suis surpris de reconnaître le Crocothémis écarlate © Djépi |
Soudain, une fusée traverse l’azur et se fixe juste au-dessus de la voiture. A peine le temps de braquer le téléobjectif qu’elle file se poser dans un arbre, bien trop loin pour la photo. Place aux jumelles : c’est un Martin-pêcheur pie !
Il saute de son perchoir, vole directement vers nous et s’arrête, suspendu en l’air. Cette fois, je ne le raterai pas ! Sous les rafales photographiques, le bel oiseau noir et blanc nous démontre son expertise pour le vol stationnaire.
Il vole directement vers nous et s’arrête, suspendu en l’air © Djépi |
En un éclair, ne nous laissant aucune chance de le fixer sur carte mémoire, il plonge, pince un poisson et disparaît dans la végétation rivulaire.
Le Martin-pêcheur pie est une espèce abondante autour des rivières et plans d’eau du parc national Kruger, et il se laisse observer assez aisément. Il en va autrement du Martin-chasseur à tête brune. Très fréquent lui aussi, il se dissimule au cœur des buissons avant de jaillir et de saisir de son bec rouge une proie, puis de filer à nouveau à l’ombre, discrètement enveloppé de son plumage beige.
C’est un chasseur de gros insectes et non un
pêcheur. S’il fréquente régulièrement le bord de l’eau, c’est qu’ils y
abondent.
Le Martin-chasseur à tête brune un chasseur de gros insectes © Djépi |
Quelques cours d’eau du parc se traversent grâce à un pont, mais ce sont les gués bétonnés qui sont les plus fréquents. Comme nous sommes en saison sèche, leur franchissement est aisé et ils permettent d'admirer de près la vie aquatique.
Alors que nous passons un infime filet d’eau enrobé d’une végétation luxuriante qui tranche sur le beige doré de la savane desséchée, un éclair bleu me surprend. Un petit oiseau d’une incroyable couleur saphir vient se percher à quelques mètres. Mais il repart bien vite et, pas de chance sur cette piste écartée, un autre véhicule apparaît dans notre dos. Il faut avancer et se ranger pour le laisser passer. Je peste…
Les gués permettent d'admirer de près la vie aquatique © Djépi |
Je demande à Isa, notre chauffeur, de faire prudemment marche-arrière jusqu’au gué, au cas où le bijou bleu réapparaîtrait. Bien sûr, je ne le vois plus…
Après m’être dévissé le cou, au moment où Isa enclenche la marche avant (c’est une boîte automatique), je jette machinalement un œil vers le bas. Il est là, presqu’à portée de main, tellement près que c’en est incroyable !
Il est là, presqu’à portée de main © Djépi |
Les anglophones l’ont baptisé Malachite kingfisher, ce qui illustre bien son plumage éclatant dont la couleur varie avec la lumière et qui rend terne notre martin-pêcheur d’Europe. Toujours aussi peu concrets, les taxinomistes francophones ont préféré l’appeler Martin-pêcheur huppé… quoiqu’il n’ait guère de huppe.
Et voilà que le petit oiseau bleu se met à pêcher sous nos yeux, venant s’accrocher à une brindille morte distante d’à peine deux mètres pour avaler la larve qu’il a saisie. Je suis éberlué de notre chance de l’avoir là, sans crainte, si proche, tellement beau. Après quelques minutes au paradis, nous repartons et le laissons continuer tranquillement sa pêche.
👀
6h30, nous démarrons vers de nouvelles aventures alors que la nuit lutte pied à pied contre l’offensive du jour.
La nuit lutte pied à pied contre l’offensive du jour © Nad
Nous traversons le pont en béton qui enjambe la rivière Sabie, encore noyée dans l’obscurité. Je distingue une
forme émergeant du parapet. A la lumière des phares quand nous arrivons à sa
hauteur, j’identifie un Martin-pêcheur géant, gros oiseau de la taille d’une
corneille. Mon taux d’adrénaline bondit et je saisis le téléobjectif. Mais il
fait encore sombre, très sombre, trop sombre… Le martin ne réagit pas quand Isa
manœuvre pour nous rapprocher. Je tire une première photo : noire.
Je modifie désespérément les réglages : pas suffisant. Dernière possibilité : utiliser le flash du boîtier. Peu de chance que ça effraie l’oiseau qui ne s’est même pas inquiété de nos phares. OK, c’est mieux que rien.
Malheureusement, comme nous ne sommes pas les seuls à partir dès l’aube. Une autre voiture arrive qu’un simple volatile n’intéresse guère, et il faut quitter le pont pour la laisser passer. Nous revenons de suite et je repère à nouveau l’oiseau. Il plonge et revient se poser quelques mètres plus loin, insouciant.
Entretemps, la défaite de la nuit se confirme et le jour prend lentement possession du terrain. Nous roulons précautionneusement pour nous approcher à quelques mètres, le martin-pêcheur ne réagit pas. Son attention est attirée par l’eau qui se remue quelques mètres plus bas. Peut-il distinguer une proie par cette lumière ?
Téléobjectif bien calé sur la portière, focale réduite, respiration retenue © Djépi |
Avec le téléobjectif bien calé sur la portière, focale réduite, respiration retenue, je tente ma chance à très basse vitesse. Coup d’œil rapide sur l’écran : ça marche ! Immobile, insouciant, le gros oiseau nous laisse admirer à loisir son dos noir pointillé de blanc et ses flancs roux vif. Après quelques minutes, il étend ses ailes et va se percher en contrebas, sur un rocher qui fend le flot rapide.
Quel début de journée ! La suite sera tout aussi
fascinante : chacal à flancs rayés, aigle bateleur… C’est Kruger…
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