Les petits mystères de l’aigrette garzette
Les petits mystères de l’aigrette garzette (et autres cogitations)
L’aigrette garzette, espèce dont la distribution est très cosmopolite, est intéressante à bien des égards.
L'aigrette garzette est une espèce gracieuse, mais parfois turbulente et bagarreuse. © Djepi |
Tout d’abord, son nom vernaculaire français, qui pourrait paraître assez « exotique », est en réalité parfaitement trivial.
Une aigrette est tout simplement un membre de
la famille des ardéidés, c’est-à-dire un héron Et, effectivement, le nom « aigrette » viendrait du Provençal
« aigron » qui signifie héron. Un nom provençal n’est pas étrange
pour une espèce qui était abondante autour du bassin méditerranéen, et qui ne s’est
étendue vers le Nord que récemment, avec le réchauffement climatique.
Quant au terme garzette, il se rattache à l’Italien garzetta et à l’Espagnol garceta (venant eux-mêmes du latin gersaula) qui veulent dire « petit héron ».
Au total, l’aigrette garzette n’est rien d’autre que le « héron petit héron » ! D’ailleurs, nos voisins anglo-saxons, plus enclins à donner aux animaux des noms évidents, l’ont simplement baptisée « little egret » : petite aigrette.
Les pieds jaunes de l'aigrette garzette sont célèbres. © Djepi |
L’aigrette aux pieds jaunes
Les pieds jaune vif sont un caractère d’identification de la garzette bien connu des ornithos. Mais qui s’est posé la question du « pourquoi » ? Ni la grande aigrette, ni le héron cendré n’ont les pieds jaunes, alors, pourquoi la garzette… ?
Le héron cendré est un affûteur qui cherche à rester discret. © Djepi |
L’explication serait à chercher du côté du mode d’alimentation particulier de l’espèce. Alors que les espèces voisines que j’ai citées chassent et pêchent à l’affût, restant immobiles jusqu’à capturer la proie inattentive d’une détente fulgurante du cou (voir à ce sujet mon article sur le cou des hérons), l’aigrette garzette est plutôt une glaneuse de petites proies essentiellement aquatiques : alevins, petits poissons, têtards, invertébrés… Elle pratique aussi parfois l'affût, mais moins systématiquement.
La garzette est une pêcheuse de petites proies. © Djepi |
Aigrettes ardoisées jouant au parasol. Photo : Ati-Aminay |
Une de ses
techniques de pêche consiste à écarter les ailes pour porter à la surface de l’eau
une zone d’ombre qui, en éliminant les reflets, lui permet de mieux voir. La
spécialiste du domaine est une cousine : l’aigrette ardoisée, espèce africaine.
Une autre méthode que l’aigrette garzette utilise très souvent consiste à agiter avec les doigts la vase ou la végétation devant elle, pour provoquer la fuite des petits animaux et pouvoir ensuite les capturer du bout du bec.
On imagine que ses pieds jaunes, plus visibles sur la vase généralement sombre, sont particulièrement efficaces pour effrayer alevins et invertébrés qui se trahissent en fuyant désespérément vers la surface.
L'aigrette garzette (ici en plumage nuptial) remue du bout des doigts la vase devant elle. © Djepi |
Chassant à l’affût et voulant donc rester incognito, des espèces somme la grande aigrette ou le héron cendré ont, quant à elles, avantage à avoir des pattes et des pieds peu visibles.
Le blongios nain pêche souvent depuis un perchoir. © Djepi |
Pour le blongios nain ou le bihoreau gris qui pêchent à l'affût au départ d’un perchoir surplombant l’eau, la couleur des pattes ne semble pas avoir grande importance tant qu'elle est discrète. Idem pour ceux qui sévissent au cœur des roselières : héron pourpré, crabier chevelu, butor étoilé…
Le butor étoilé aime pêcher en laissant longuement tremper le bout du bec dans l'eau. Pourquoi...? L'aigrette garzette fait parfois de même. © Djepi |
Et les pattes rouges de la cigogne ?
Cette réflexion peut en amener une autre : quid de la cigogne blanche… ? Elle aussi est une glaneuse, généralement dans des prairies humides, et ses pattes rouge vif pourraient effrayer les proies potentielles (grenouilles, gros insectes…) et les forcer à se démasquer.
La couleur des pattes de la cigogne blanche joue-t-elle un rôle dans son alimentation? © Djepi |
Sa cousine cigogne noire, aussi nantie de pattes rouges quand elle est adulte, est une glaneuse qui pourchasse poissons et grenouilles en marchant dans les eaux peu profondes et en plongeant le bec de-ci, de-là. La couleur de ses pattes joue-t-elle le même rôle ?
La gallinule poule d’eau possède des pattes aux immenses doigts verdâtres. Elle est omnivore et, pour s’alimenter, elle se déplace dans et sur la végétation aquatique, où ses grands doigts ressemblent à s’y méprendre à un élément végétal. Elle miserait donc plutôt sur le camouflage pour leurrer ses proies. Quant à sa parente talève sultane et ses pattes « rouge fluo », elle est essentiellement herbivore.
Les interminables doigts de la gallinule ressemblent à des tiges végétales © Djepi |
En fait, on pourrait se poser la question du rôle de la couleur des pattes pour toutes les espèces qui chassent ou pêchent « à pied », mais rappelons qu’elle peut intervenir dans d'autres chapitres.
Par exemple, les fous à pieds bleus ou à pieds rouges (qui ne sont certes pas des « chasseurs à pied » !) utilisent leurs larges pieds palmés de couleur vive pour la parade nuptiale.
Les pieds des fous à pieds bleus ont un tout autre rôle ! Image : web |
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