Dyrehaven, le pays où les cerfs sont rois. Episode 3/5 : pour vivre heureux, vivons caché

Pour vivre heureux, vivons caché

Semblant préoccupé par ses affaires, un beau cerf sort des fourrés à notre gauche et traverse le chemin devant nous. Il s’arrête un long moment pour nous adresser un regard sans curiosité. Des humains sur le chemin ? Business as usual. Il est magnifique avec ses bois très écartés portant 18 longues dagues. Je le baptise illico L’Eventail. Son corps est mince et athlétique, je ne crois pas que ce soit un vieux cerf. Il finit par repartir en direction d’une petite prairie enclavée dans le bois.

Dyrehaven, cerf
L'Eventail est un des plus beaux cerfs que nous ayons rencontrés à Dyrehaven.© Djepi
 

Je me dis que c'est simplement un de ces jeunes qui cherchent l’aventure et tentent de subtiliser quelques belles aux poids lourds qui dictent la loi. Mais il est si élégant que nous espérons quelques photos de plus, et nous le suivons jusqu’à la prairie. Plusieurs biches y pâturent et rentrent prestement sous les arbres où d’autres ombres les attendent. Nous ne pouvons aller plus loin car, en période de brame, il est demandé de rester sur les chemins pour respecter la tranquillité des animaux. Leur tolérance à l’humain et de là, la qualité des observations, en est l’enjeu. Nous faisons un large crochet pour aller vérifier au revers de la zone boisée : aucun doute, le beau gamin est hardé, et même bien hardé puisque j’estime son groupe à une vingtaine d’animaux.

Dyrehaven, cerf
Puissant et lourdement boisé, Twix est un des 2 cerfs ultra-dominants de Dyrehaven. © Djepi

Nous retrouverons L’Eventail par la suite, toujours dans cette zone discrète, toujours bien entouré, à l’abri des photographes trop intrusifs et un peu à l’écart du puissant Twix, et de sa grande harde. L’Eventail ira d’ailleurs une fois passer le nez à la fenêtre, et Twix lui fera comprendre qu’il n’aime pas les curieux dans son genre.

A côté des ténors qui occupent le devant de la scène, comme Twix et Spat, bien d’autres cerfs de Dyrehaven ont une stratégie plus prudente et moins ostentatoire. L’Eventail fait partie de ceux qui préfèrent ainsi « jouer les sous-marins »… pour éviter d’être trop vite coulés.

Sylvain et l’accordéon

L’accès principal à la réserve passe par Bakken, un parc d’attraction historique, très populaire dans cette banlieue proche de Copenhague. C’est à la porte même de Bakken que s’est installé Sylvain. 

Il étale les 20 cors d’une belle ramure et serait certainement une vedette chez nous. Mais à Dyrehaven, il ne fait pas partie des leaders. Autour de lui, une demi-douzaine de non-boisés qu’il surveille attentivement. 

Dyrehaven, brame du cerf
Pour s'écarter des ténors du brame, Sylvain a choisi de se rapprocher des humains. © Djepi

Quand tombe le soir, les lumières de Bakken s’allument et les amateurs de fun et de popcorn affluent. Les groupes de musiciens montent sur les planches, les sonos s’emballent. A côté des farandoles et des promeneurs en goguette, Sylvain brame et regroupe ses conquêtes. Il préfère rencontrer des bipèdes inoffensifs (en tous cas localement !), plutôt que Gauguin, le gros 14 cors ambitieux qui n’est jamais bien loin, mais qui n’aime pas l’accordéon.

Flash la joue discrète

C’est notre nez qui nous fait découvrir Flash. Il était tard quand nous rentrions ce jour-là, et les nuages bas confisquaient les dernières lueurs. Une odeur caprine, forte et douce, frappa nos narines. Un cerf devait être là, et, quand on connaît la misérable performance de l’odorat humain, il devait être très proche. En effet, alors que nous reprenons prudemment notre marche, un animal sort de l’ombre, comme à contre cœur, à moins de 10m. Sa lourde couronne accumule 22 pointes.

Dyrehaven, brame du cerf
Flash ne fait pas dans l'ostentation, quoiqu'il soit équipé pour affronter ses voisins. © Djepi
 

Flash s’écarte un peu. Nous suivons le sentier dans la même direction que lui et tombons sur une troupe d’une 10aine de biches et faons qui mastiquent placidement. Les femelles doivent se demander ce que des curieux peuvent encore faire ici à cette heure tardive car elles nous dédient un reproche visuel : on n’est plus chez soi… Promis, nous ne faisons que passer ! 

Des branches cassées nous informent que Flash arrive. Le gros cerf s’installe derrière un massif d’orties et observe tranquillement la situation, sans un brame, sans un souffle. Il peut à juste titre se réjouir de sa situation. : à un jet de pierre de son petit royaume, s’étend le fief de L’Eventail et à peine plus loin, c’est le royaume du redoutable Twix. Pour vivre heureux, Flash vit caché.

Dyrehaven, biches
Est-ce la discrétion de Flash qui fait son charme..? Il est en tous cas fort bien accompagné ! © Djepi

Dans cette mosaïque de 11 km² où s’enchaînent bouquets d’arbres, bois et bosquets, prairies et zones humides, cerfs et biches trouvent un environnement idéal. Le pâturage est abondant et les feuillages leur procurent des friandises qu’ils aiment tant. Le milieu semi-ouvert est mieux adapté que la forêt serrée aux déplacements des mâles et de leurs imposantes ramures : le cerf n’est pas à l’origine un animal forestier, c’est l’humain et ses persécutions qui l’ont poussé au plus profond des bois.

Dyrehaven
Les paysages semi-ouverts de Dyrehaven sont très favorables au cerf élaphe. © Djepi
 

La diversité du milieu de Dyrehaven favorise l’établissement de petites hardes sous la garde de cerfs différents. Si les ultra-dominants que sont Twix et Spat monopolisent à eux deux plus de 60 non boisés, de nombreux autres mâles mettent à l’abri leur petit harem comptant une dizaine de biches.

Sur 3 intensives journées de terrain, nous avons bien observé et photographié 12 adultes et aperçu quelques autres. Dyrehaven accueille 31 grands cerfs adultes : à côté des Twix et Spat qui « sautent aux yeux », des Sylvain, L’Eventail ou Flash qui parfois se laissent voir, de nombreux cerfs parviennent à garder secrètes leurs amours avec l’une ou l’autre des 200 biches et bichettes. Et c’est fort bien ainsi !

Ne manquez pas le prochain épisode : La mauvaise sieste de Sleepy !

Dyrehaven, cerf
Capitaine, 22 cors, a joué aux invisibles durant le brame. Cette stratégie lui a-t-elle rapporté ? Il n'a pas toujours été solitaire... © Djepi


Commentaires

  1. Hello JP. Merci pour toutes ces infos. Les cerfs sont en effet impressionnants. Ma photo préférée est: "les biches et le faon". A+
    Pierre

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