Le MANOIR BAFOUE

Le MANOIR BAFOUE

© Djépi

Photos et texte : Djépi

Il semble un peu perdu, fiché au flanc de la vallée, emmitouflé dans son parc devenu sauvage et comme égaré parmi l’alignement militaire des vignobles. Mais avec ses orgueilleuses tourelles et les toits d’ardoise sombre coiffant ses murs blancs, il a conservé sa fierté.

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Demeure estivale

Edifié en 1898-1899 par un influent homme de loi, membre d’une puissante famille industrielle, il devint château-hôtel en 1935 et accueillit les premiers touristes fortunés venus flâner au bord de la rivière et apprécier les vins locaux.

En 1979, un magnat arabe rachète le manoir et entreprend de le moderniser. © Djépi

En 1979, un magnat arabe proche du monarque saoudien rachète le manoir pour en faire sa demeure estivale et entreprend de le moderniser. 

En 2015, il décède et, aucun membre de la famille n’y prêtant attention, le bâtiment est laissé à l’abandon. 20 millions d’euros à la dérive… simple broutille au pays où jaillissent les pétrodollars.

Sur le compte courant local du propriétaire en 1981, près d'un million de francs luxembourgeois.
 Plusieurs années de travail avec un salaire moyen de l'époque... © Djépi

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Nos appréhensions se concrétisent

Jusqu’en 2021, les reportages des urbexeurs montraient un intérieur encore en bon état, mais des images plus récentes laissaient entrevoir une soudaine dégradation… Et dès que nous approchons de l’entrée, après la brève traversée du parc, nos appréhensions se concrétisent.

Des visiteurs précédents ont dressé une longue table, comme pour une réception. Ont-ils fait la fête sur place, ou était-ce pour créer un décor photogénique… ? 

Des visiteurs précédents ont dressé une longue table, comme pour une réception. © Djépi

La sauvagerie du désordre ambiant est oppressante. Les vaisseliers éventrés déversent tasses, assiettes, carafes et couverts sur le sol. Partout, traînent des bouteilles thermos, peut-être destinées à de nombreux convives appréciant le café ou le thé. 

Quelques roses artificielles tentent d’égayer la scène. © Djépi 

Quelques roses artificielles tentent d’égayer la scène plus grotesque que lugubre, mais les murs rongés de lèpre humide pleurent leurs cadres et miroirs arrachés.

Dans le petit salon en enfilade, deux fauteuils cossus revêtus de velours se pressent toujours autour de l’âtre, entourés d’étagères culbutées et de batteries de couscoussières. Parmi les cendres du feu, je déniche des restes noircis : un devis daté de 1986, pour l’installation de châssis en PVC à double vitrage. Il fut manifestement honoré.

Deux fauteuils cossus revêtus de velours se pressent toujours autour de l’âtre. © Djépi

A côté, c’est le grand salon avec sa table ronde entourée de fauteuils de cuir. Là, il y avait peu d’armoires à renverser et un ordre relatif perdure. 

Le grand salon : il y avait peu d’armoires à renverser et un ordre relatif perdure. © Djépi 

Mon attention est attirée par les vitraux colorés qui clignent de l'oeil sous un soleil printanier. Datant probablement des origines du château, ils ont dû être soigneusement récupérés et intégrés aux doubles-vitrages modernes. La robustesse des nouveaux châssis leur vaut d’être restés étrangement intacts.

Des vitraux d'origine intégrés aux doubles-vitrages modernes, restés étrangement intacts. 
© Djépi

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Vies bafouées

Un élégant escalier habillé de vert mène aux étages. Comme si un léger grésil venait de tomber, les marches sont saupoudrées de débris de plâtre. 

Comme si un léger grésil venait de tomber... © Djépi

Romantisme fugace car, à l’arrivée sur le palier, c’est la gifle. 

Dispersé par des vandales, tout le quotidien de la famille jonche le sol, sous forme d’une multitude d’objets. 

Parmi chaussures et vêtements, souvenirs de voyages et cassettes audios, flacons de détergents et tables à repasser, extraits bancaires et peluches enfantines, chaises et linge de lit, il faut enjamber, se faufiler et se frayer un chemin dans le couloir pour accéder aux chambres. 

Tout le quotidien de la famille jonche le sol. © Djépi

Et là, c’est pis encore, comme si un ouragan de haine avait décidé de ne rien épargner. Vies bafouées, couardise de casseurs qui n’osent s’attaquer qu’aux cendres des morts et détruire ce qu'ils n'ont pu posséder.

Comme si un ouragan de haine avait décidé de ne rien épargner... © Djépi

Dans un style très "eighties", les chambres du premier étage étaient luxueusement meublées de larges lits avec équipement stéréo. 

Un luxe très "eighties". © Djépi

Sur un matelas, un journal; sur la table de nuit un carnet de notes rédigées en arabe; une photo de vacances en famille… 

Vacances en famille à Little Europe (Bruxelles). © Djépi

Souvenir de la période hôtelière du château, chacune des nombreuses chambres est flanquée d’une salle de bains complète. Pantoufles, brosses à dents, jouets d’enfants, cosmétiques entourent encore éviers, douches et baignoires.

 Jouets d’enfants, cosmétiques entourent encore douches et baignoires. © Djépi 

Au second niveau, puis dans l’unique chambre du troisième, l’équipement se fait moins riche. Sans doute sommes-nous dans les quartiers réservés aux invités et au personnel. 

Un vieux fauteuil oublié attend depuis des années son émission de télévision préférée. Dans une chambre en rénovation, les peintres ont un jour interrompu leur travail.

Le vieux fauteuil et son téléviseur... © Djépi

Les peintres ont interrompu leur travail. © Djépi

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Le ciel fronce les sourcils

Jouxtant l’entrée, une large cour dallée de rouge domine la rivière. 

Il devait faire bon y prendre l’apéritif...  © Djépi

Il devait faire bon y prendre l’apéritif ou profiter du barbecue, mais les vents ont laissé ses colonnes sans coiffe et un écran végétal l’encercle désormais. Moindre mal, car aujourd’hui, c’est une voie rapide et non plus un chemin bucolique qui borde l’eau…

Le ciel fronce les sourcils comme pour nous reprocher notre intrusion. © Djépi 

Quittant le château, alors que le ciel fronce les sourcils comme pour nous reprocher notre intrusion, nous glissons un regard vers la plaque de marbre fièrement apposée à la porte du salon par le dernier propriétaire des lieux.

Un regard vers la plaque de marbre fièrement apposée à la porte... © Djépi 

Quel gâchis d’abandonner un tel endroit aux intempéries et à la furie de vandales imbéciles… 

Nous autres urbexeurs ne pouvons qu’évoquer le passé, pas le ressusciter.

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Voyez mes autres reportages Urban Exploration https://reflexephoto.blogspot.com/search/label/Urban%20Exploration


Pêle-mêle

Premier coup d'oeil à l'entrée, comme un décor de film. © Djépi

Un jour de 2015, le temps s'est arrêté. © Djépi

Partout, traînent des bouteilles thermos. © Djépi

Un élégant escalier habillé de vert mène aux étages. © Djépi 

Détruire ce que l'on n'a pu posséder. © Djépi 

Souvenirs de famille, des vies bafouées © Djépi

Sur la table de nuit, un carnet de notes... © Djépi

La vague des vandales a déferlé. © Djépi

Nous autres urbexeurs ne pouvons qu’évoquer le passé, pas le ressusciter© Djépi


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