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© Djépi |
Il faut d’abord longer le ruban glauque de la Sambre,
emprisonné dans son carcan de béton et ses amas d’immondices, avant d’accéder
au site. Dans la tristesse du terrain vague, parmi les ruines dispersées, les cheminées brisées, difficile d’imaginer encore le tumulte de l’aciérie, les fumées des fours à
coke, le va-et-vient des camions et le flot de richesses qui firent vivre – et
mourir – des milliers de familles aux alentours.
Photos et texte : Djépi
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Le monstre secret
Chaque jour d’école, 6 ans durant, je suis passé et
repassé sous les hauts murs noirs qui enserrent l’usine. J’ai respiré la
puanteur des fumées, j’ai entendu grincer au-dessus de ma tête les bandes
transporteuses – transportant quoi, vers où ? – et je me suis demandé quel
monstre secret soufflait et grondait par-delà l’hideuse muraille.
Aujourd’hui,
je brise le secret, mais le monstre s’est éteint.
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Le monstre s’est éteint. © Djépi |
Pendant 130 ans (1836-1966), les Forges de la Providence
furent un fleuron du bassin sidérurgique carolorégien. Elles essaimèrent leurs
filiales dans l’Est et le Nord de la France, et jusqu’en Ukraine.
Puis vint
l’acier asiatique bon marché et, de regroupements en restructurations, l’usine historique
de Marchienne-au-Pont ferma définitivement ses portes en 2012.
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Une poignée de buddleias aux flancs d’un vallon inondé. © Djépi |
Malgré le temps passé, la nature peine à retrouver ses droits
dans la caillasse aride et empoisonnée : de maigres herbes jaunies,
quelques pigeons égarés dans les donjons de ferraille, pas de papillons… Une
poignée de buddleias accroche ses épis floraux aux flancs d’un discret vallon
inondé, en fait une ancienne rue qui amenait les ouvriers à l’usine depuis les corons
proches.
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Le chevalier d'antan
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Comme un chevalier d’antan, impatient de jouter une dernière fois. © Djépi |
Les bâtiments de l’aciérie et du laminoir ont été rasés,
mais le site de la cokerie, le plus pollué, dresse encore au ciel son armure et
ses piques menaçantes, comme un chevalier d’antan, impatient de jouter une dernière
fois, pour l’honneur.
122 fours, 750.000 tonnes de coke par an : un blason
qu’on n’efface pas d’un revers de la main…
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Spectres agitant leurs chaînes ou simple jeu du vent dans les tôles disjointes ? © Djépi |
Nous avançons à pas feutrés entre les bâtiments figés et torturés,
comme s’il restait quelqu’un à déranger. Des claquements puissants nous font
sursauter : spectres agitant leurs chaînes ou simple jeu du vent dans les tôles
disjointes ?
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L’ombre et le silence
C’est dans la pénombre des carcasses démembrées que l’on
ressent mieux le poids de l’histoire. De terrifiants monstres de métal et de
béton se dressent face aux rais de lumière qui osent franchir les fenêtres
béantes : trémies énormes, bandes transporteuses, compresseurs, tours, panneaux
de commande…
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De terrifiants monstres de métal et de béton. © Djépi |
A l’aveugle, parfois à la lueur d’une torche, on se faufile sur
les passerelles, on grimpe les étages. On imagine l’éclat cru des lampes, l’assourdissant
halètement des machines, la transpiration et les jurons des hommes en salopette,
les coups de gueule des contre-maîtres. Il ne reste que l’ombre et le silence.
Sur une rambarde, à côté d’un dinosaure de fer, pend un chiffon souillé. Le
dernier ouvrier de la dernière pause s’y est une ultime fois essuyé les mains.
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Il ne reste que l’ombre et le silence. © Djépi |
Au flanc de la muraille des fours à coke, gît le porc-épic
gigantesque de l’usine à gaz, avec ses innombrables tuyaux. La rouille ronge inexorablement les canalisations; du goudron suinte, comme des larmes qui coulent.
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Le porc-épic gigantesque de l’usine à gaz. © Djépi |
Les panneaux d’avertissement cherchent éperdument
quelqu’un à qui s’adresser. Un bouleau agite mollement ses feuilles dans la
brise, sous le regard triste d’une jauge en berne.
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Sous le regard triste d’une jauge en berne. © Djépi |
Nous entrons dans un petit bâtiment chancelant dont les vitres éclatées observent la cokerie. C’était le laboratoire de contrôle. Il est décharné jusqu’à l’os, mais quelques souvenirs cocasses du quotidien s’accrochent encore : la brosse est toujours sur la cuvette du WC et les graffiti de la porte sont évocateurs…

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Jurassic Park abandonné
Dans la lumière de vastes hangars parés de verrières, gisent des squelettes géants. Tel un
Jurassic Park abandonné, l’atelier d’entretien abrite les vestiges rouillés d’une
frénésie oubliée.
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Des squelettes géants. © Djépi |
Le bureau du responsable est dévasté, encombré des restes de
câbles brûlés pour récupérer le cuivre. Témoins profanés d’années de labeur, des
monceaux de plans, de registres, de rapports d’intervention recouvrent le sol.
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Témoins profanés d’années de labeur. © Djépi |
Clin d’œil sur le mur : les génies facétieux de
l’atelier font la fête, heureux sans doute d’avoir désormais tant de temps et d’espace
pour eux seuls.
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Les génies facétieux de l’atelier. © Djépi |
Un peu gênés de les avoir dérangés, nous repartons comme nous sommes arrivés : sur la pointe des pieds.
Voyez mes autres reportages Urban Exploration
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Pêle-mêle
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Parmi
les ruines dispersées. © Djépi |
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Je
me suis demandé quel monstre secret soufflait et grondait... © Djépi |
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Les
panneaux d’avertissement cherchent éperdument quelqu’un à qui s’adresser. © Djépi |
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L’usine
historique ferma définitivement ses portes en 2012. © Djépi |
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A côté d’un dinosaure de fer. © Djépi |
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Dans la
pénombre des carcasses démembrées. © Djépi |
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Du
goudron suinte, comme des larmes qui coulent. © Djépi |
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Les
vitres éclatées observent la cokerie. © Djépi |
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Décharné
jusqu’à l’os. © Djépi |
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L’usine
à gaz, avec ses innombrables tuyaux. © Djépi |
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La
rouille ronge inexorablement les canalisations. © Djépi |
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122
fours, 750.000 tonnes de coke par an. © Djépi |
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La
nature peine à retrouver ses droits dans la caillasse aride et empoisonnée. © Djépi |
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On se
faufile sur les passerelles, on grimpe les étages. © Djépi |
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On
imagine l’éclat cru des lampes, l’assourdissant halètement des machines. © Djépi |
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Les
vestiges rouillés d’une frénésie oubliée. © Djépi |
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De vastes hangars parés de verrières. © Djépi |
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Le
bureau du responsable est dévasté. © Djépi |
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Des
monceaux de plans, de registres recouvrent le sol. © Djépi |
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Difficile
d’imaginer encore le tumulte de l’aciérie. © Djépi |
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