La vie bien rangée du blaireau

 

La vie bien rangée du blaireau

Plus fourmi que cigale, le gros mustélidé (environ 15 kg) à allure ursine (il est d'ailleurs plantigrade comme les ours) vit une vie rangée, organisée. Mais le souci du naturaliste voulant en savoir plus à son sujet est qu'il est nocturne ! Il faudra être patient, prudent et avoir de bonnes jumelles crépusculaires. Pour le photographier, un flash sera nécessaire. Les caméras automatiques sont un outil irremplaçable pour découvrir ses petites habitudes de bourgeois bien tranquille...

 

Pause de nuit

C'est le soleil qui, toute l'année ou presque (en période de fort enneigement ou de gel profond, le blaireau ne quitte guère le terrier), rythme son activité. Une fois l'astre disparu du ciel, l'animal émerge prudemment de son terrier, prenant bien soin d'humer longuement les odeurs baladeuses avant de se risquer à l'extérieur. Très myope, il se fie avant tout à son odorat très performant et aussi à son ouïe, pour surveiller son environnement. 

Blaireau d'Europe
22h : à peine sorti du terrier, le blaireau procède à la toilette de son pelage © Djepi
 

Une fois dehors alors que l'obscurité s'est installée, il procède à sa toilette, se gratte vigoureusement (la vie dans le terrier favorise la prolifération des parasites cutanés) et fait le ménage. Régulièrement, il change la litière du terrier, éliminant un ballot d'herbes sèches et les remplaçant par de la végétation fraîche. 

Jeunes blaireaux d'Europe
Fin avril : des jeunes en bas âge se défoulent devant le terrier © Djepi

En mai-juin les jeunes en profitent pour jouer devant la gueule du terrier, où se dessine progressivement un aire de jeu damée par les petites pattes.

Ensuite, les adultes vaquent à leurs occupations, centrées sur la recherche de nourriture. Contrairement à ce que disent les garde-chasse qui lui font la guerre, le blaireau n'est guère prédateur. Il n'en a d'ailleurs pas le physique. C'est un fouisseur qui cherche les lombrics, les limaces, les gros insectes et leurs larves, les fruits tombés.

Blaireau d'Europe
02h30 : un blaireau en vadrouille cherche sa pitance en sous-bois © Djepi
 

Il lui arrive de déterrer des petits rongeurs ou des lapereaux et il peut en effet détruire occasionnellement une ponte de faisan ou de perdrix. Son goût pour les fruits va jusqu'aux olives, au raisin et au maïs, ce qui déclenche l'ire des cultivateurs.

Avant que ne se lève le soleil, le blaireau est de retour sous terre, en sécurité au fond de son terrier où il passera toute la journée.

Blaireau d'Europe
05h45 : le blaireau rentre sagement à la maison avant que le soleil ne se lève © Djepi

 

Un univers organisé

Les terriers de blaireaux, si l'homme ne les détruit pas, peuvent être occupés durant des siècles et deviennent énormes, avec parfois des dizaines de gueules. Mais quelques-unes seulement sont régulièrement utilisées par la famille qui l'occupe. On les repère grâce à la terre fraîchement remuée et au "toboggan" typique que l'on ne trouvera pas devant l'entrée d'un terrier creusé par le renard, de taille comparable (il arrive que le renard occupe un terrier creusé par le blaireau).

Un terrier de blaireau occupé, avec le toboggan caractéristique à l'entrée. © Djepi
 

Le mustélidé cherche les sols meubles dans des zones sèches, bien draînées, souvent en hauteur. Pour ne pas devoir déblayer trop de terre vers le haut (les déblais représentent plusieurs mètres cubes et donc des tonnes), il affectionne particulièrement les talus. Le terrier est situé dans un bois ou un bosquet, dans une grosse haie, sous un roncier... 

Une coulée de blaireau dans les jacinthes. © Djepi
 

Autour du site du terrier, un réseau de sentiers bien tracés part en étoile et mène aux endroits où les animaux cherchent leur nourriture, souvent en pâture. La végétation est écrasée par le passage régulier ou les feuilles mortes sont déblayées : le blaireau n'aime pas le désordre ! 

Une latrine de blaireau. On trouve un grand nombre d'élytres de coléoptère dans les excréments, de noyaux de fruits, etc... © Djepi


 

Ici et là, au long de ces coulées, on relève des trous grattés dans le sol, de la taille d'un poing. Soit le blaireau y a cherché de la nourriture, ou bien il a réalisé une latrine pour y déposer sa "signature" olfactive, destinée à informer les clans voisins que la zone est occupée. Le domaine vital d'un clan couvre environ un rayon d'un kilomètre autour du terrier.

Pour un observateur avisé, il n'est guère difficile de repérer la présence du blaireau, tant les marques qu'il laisse sont claires et remarquables.

Le blaireau laisse parfois des marques de griffes sur les arbres © Djepi

 

En famille

Le clan de blaireaux regroupe le couple reproducteur, les jeunes de l'année et souvent l'un ou l'autre adolescent qui occupe parfois une partie séparée du terrier ou un terrier annexe. Au total, une demi-douzaine d'animaux. S'ils veulent se reproduire, les jeunes devront attendre la mort d'un des adultes ou partir à la recherche d'un autre territoire adéquat.

 

Jeune blaireau, à la mi-mai. Cela fait alors environ 2 semaines qu'il sort du terrier natal © Djepi

Les blaireautins émergent du terrier dans les derniers jours d'avril. Ils ont déjà la livrée de bagnard des parents, mais sont encore de petites peluches. Au début, ils se contentent de jouer un peu aux alentours, entre eux et avec les adultes, puis rentrent à nouveau sous terre. Mais progressivement, leurs jeux s'allongent, les éloignent de plus en plus du terrier et, à la mi-juin, ils accompagnent les parents dans leurs divagations nocturnes. Pour observer leur jeux désopilants, le mois de mai est donc la meilleure période.

 

Les menaces

Chez nous, le blaireau ne connaît guère de prédateurs naturels. Le renard peut s'emparer des jeunes en bas âge, mais les adultes veillent et ils sont beaucoup plus costauds que le goupil. C'est l'homme qui, intentionnellement ou non, constitue la menace n°1 pour l'espèce. 

Blaireau avec une marque de collet dans la fourrure du cou. © Djepi
 

Avec la vaccination contre la rage, l'inefficace gazage des terriers de renard a cessé et a permis aux populations de blaireaux de se reconstituer partiellement.

Mais, par pur plaisir morbide ou dans l'optique erronée de protéger "leur" petit gibier contre un prédateur qui n'en est pas un, certain chasseurs ou leurs gardes le déterrent, le piègent ou l'empoisonnent, généralement de manière illégale. Les cultivateurs ne le voient pas d'un bon œil, car le mustélidé défonce les pâtures avec ses terriers, couche les céréales, apprécie le maïs... Le blaireau est aussi souvent victime de la circulation automobile nocturne au long des routes de campagne.

Au total, sans être rare, le blaireau reste un animal très localisé et peu abondant.

Comme il est de mœurs nocturnes, son observation est malaisée et peu fréquente. Si on découvre un terrier occupé, mieux vaut n'en parler qu'à des personnes de toute confiance et, pour observer la famille de blaireaux sans la perturber, il faudra absolument veiller à se placer à bon vent.

 

Le blaireau est de sortie ce soir © Djepi


 

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