Le cas du cormoran : 40 millions d’années de succès

 

Le cas du cormoran : 40 millions d’années de succès

Le grand cormoran ne fait pas partie des espèces qu'ornithos et photographes considèrent comme charismatiques. Et pourtant... Ce gros oiseau sombre est une véritable réussite de l'évolution, une machine vivante presque parfaite. 
 
Regardons cela de plus près et posons-nous une question simple : quelle autre espèce d'oiseau est-elle capable de très bien voler, très bien plonger, bien marcher et se brancher sans souci dans un arbre...?
 
Grand cormoran en pêche
Belle prise : le goéland n'en revient pas ! © Djepi
 
Grand mangeur de poissons (400 gr/jour en moyenne), plongeur émérite, le grand cormoran atteint couramment 10 mètres de profondeur. Ça ne fait certes pas de lui le champion du domaine, loin de là, mais ce n'est pas si mal. 
Pour bien plonger, il faut être lourd afin de s'enfoncer sans difficulté sous l'eau. Les grèbes, les plongeons, les guillemots et autres spécialistes de la question ont un corps dense. Mais le résultat est qu'ils volent très mal, puisque pour être un bon voilier, il faut à l'opposé être léger.
 
Plongeon catmarin
Le corps dense de ce plongeon catmarin fait de lui un excellent plongeur mais un exécrable voilier © Djepi
 
Le cormoran, lui vole aussi bien qu'il plonge. On voit souvent ses formations en V passer à grande altitude et l'espèce réalise d'ailleurs des migrations importantes, par exemple pour fuir les eaux continentales gelées en hiver. 

 
Grand cormoran en vol
Bon plongeur, le grand cormoran est aussi un voilier efficace © Djepi

 

Les oiseaux qui se déplacent le mieux sur l'eau ont des pattes palmées ou lobées et placées loin en arrière du corps, là où se situent d'ailleurs les hélices d'un bateau. Ce sont, de ce fait, de piètres marcheurs car leur pattes sont éloignées du centre de gravité de leur corps. Et pas question pour eux d'aller se percher sur un arbre ! 

Grèbes huppés au nid
Ce grèbe huppé au nid illustre bien la position très reculée de ses pattes et ses grandes difficultés à se mouvoir hors de l'eau © Djepi
 

Notre ami le cormoran, malgré ses très larges pattes palmées, se perche fort bien et niche même dans les arbres, à l'abri des prédateurs terrestres. Ses pattes sont reculées, mais l'équilibre global de son corps reste satisfaisant. Il doit cependant parfois réaliser quelques essais avant de regagner le perchoir qu'il a choisi, car il ne manœuvre quand même pas comme une mésange.

 

Grand cormoran en parade
Pour sa parade nuptiale, notamment, le grand cormoran se perche dans les branches © Djepi

Où est donc le secret ? Par quelle magie l'évolution a-t-elle concentré autant de dons en une seule espèce ? C'est tout simplement que le cormoran, comme les sous-marins, a une flottabilité variable. Pour plonger, le sous-marin emplit d'eau ses ballasts afin d'être plus dense et pour faire surface, il chasse cette eau avec de l'air comprimé. Le cormoran fait de même avec son plumage.

Celui-ci n'est pas aussi imperméable que le plumage d'un grèbe ou d'un canard. Il peut donc s'imprégner d'eau et permettre au cormoran de s'alourdir et bien plonger. Mais attention à l'excès : l'estomac chargé de poissons et le plumage détrempé, l'oiseau éprouve parfois des difficultés à redécoller.

 

Canard colvert prenant un bain
Le plumage du colvert est aussi imperméable qu'un bon ciré : l'eau glisse dessus ! © Djepi
 

Contrairement à ce que l'on dit parfois, le cormoran possède une glande uropygienne fonctionnelle, et ce n'est d'ailleurs pas sa sécrétion qui assure à elle seule l'imperméabilité du plumage d'autres espèces. La structure des plumes, très dense et fermée, joue un rôle plus important. Le cormoran possède un plumage lâche qui laisse l'eau s'infiltrer et il doit régulièrement faire sécher ses plumes en adoptant la position bien connue "du christ en croix". Faire bronzette est le prix à payer pour pouvoir à la fois bien plonger et bien voler...


Grand cormoran séchant ses plumes
La posture bien connue du cormoran qui sèche son plumage au soleil  © Djepi 

La photo précédente nous montre une autre adaptation du cormoran : sa capacité à actionner sa mâchoire supérieure pour accroître l'angle d'ouverture de son bec et ainsi pouvoir avaler de très gros poissons, pour le plus grand bonheur (?) des pêcheurs...

Toutes ces caractéristiques high tech ont valu au cormoran 40 millions d'années de succès, puisque l'espèce n'a quasiment pas changé depuis lors.

Alors, respect ! 

Grand cormoran
Grand cormoran en plumage nuptial © Djepi

 

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